Janvier 2021

Sommes-nous enfin prêts à vieillir ensemble très longtemps ?

Sommes-nous enfin prêts à vieillir ensemble très longtemps ?
Après les retraites, les premières politiques vieillesse des années 1960 ont surtout porté sur les “modes de vie” des personnes âgées permettant de prolonger une vie indépendante le plus longtemps possible. Puis à partir des années 80 et 90, elles se sont concentrées sur la question de la prise en charge de la dépendance.

Alors qu'on n'en finit pas de procrastiner autour des réformes qui permettraient d’anticiper la vertigineuse accélération du vieillissement de la population qui se profile, les années 2000 marquent la consolidation d’un système complexe d’aide et prise en charge des personnes âgées en France. C’est à cette époque-là, en effet, que sont votées les principales lois qui vont organiser ce système.

Les années 2000 : les lois majeures et la question éthique

A partir des années 2000, l’action publique va se consolider avec plusieurs lois majeures qui vont aboutir à des avancées importantes.
 
Les années 2000, c’est aussi le choc de la canicule de 2003 qui révéla au grand jour la problématique de l’isolement et de l’exclusion sociale d’un grand nombre de personnes âgées. Des mesures s’ensuivent pour soutenir le financement des actions au bénéfice des personnes âgées et des personnes handicapées, notamment la création de la Journée de solidarité et de la Caisse nationale de solidarité autonomie (CNSA) pour administrer - entre autres - ces nouveaux fonds.
Les années 2000, c’est aussi la consolidation de l’arsenal déontologique visant à garantir les droits des personnes âgées dépendantes et des personnes en situation de handicap. Deux grandes lois sont alors adoptées [1] avec en trame de fond la volonté de faire converger les politiques à destination de ces deux types de publics. Tout désavantage social associé à une incapacité mériterait finalement un traitement similaire quel que soit l’âge des personnes.

Les années 2010- 2020 : une société de la longévité en suspens

Après cette phase de consolidation des politiques vieillesse au cours de la décennie 2000, démarre celle de la métamorphose pour une société de la longévité. Même si pour l’heure, la métamorphose est restée au stade de chrysalide, c’est bien la dynamique qui est engagée par la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, dite loi ASV.
 
Il ne s’agit plus seulement d’établir une politique vieillesse mais d’injecter dans l’ensemble des politiques publiques la nécessaire prise en compte du vieillissement de la population. Ce vieillissement est tel qu’il imprègne tous les segments de la société. Il doit donc être au centre des décisions en matière d’habitat, de transports, de santé, de travail, etc.
 
Bien que les moyens déployés n’aient pas permis finalement cette métamorphose sociétale, la loi ASV est une loi qui amorce un tournant symbolique. Symbolique dans la prise de conscience de l'accélération du vieillissement démographique. Symbolique aussi dans la remise en lumière des principes du rapport Laroque et de la priorité à donner aux actions de prévention et de participation sociale, via notamment la lutte contre l’isolement et l'amélioration de l’habitat. Symbolique aussi dans la reconnaissance du rôle des proches aidants de personnes âgées, dans un effort - malheureusement alors non abouti - d’accès à certains droits et dispositifs de soutien.
 
Depuis, on est toujours dans l’attente de “la” grande réforme sur le grand âge et l’autonomie prévue initialement pour la fin de l’année 2019, mais qui ne devrait toujours pas être à l’ordre du jour de l'agenda parlementaire en 2021. C’est un peu tout le paradoxe de la crise sanitaire que nous connaissons. Tout en servant de révélateur des dysfonctionnements et des besoins pour accompagner et soutenir dignement les personnes âgées en situation de dépendance, la crise de la Covid-19 a considérablement retardé les mesures législatives nécessaires pour entériner un réel changement dans le domaine.
 
Véronique Cayado
Docteure en psychologie
Institut Oui Care

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[1] Il s’agit de la loi du 2 janvier 2002, dite la loi 2002-2 qui rénove la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales ; et de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Indépendance économique et perte d'autonomie

Indépendance économique et perte d'autonomie

De l’indépendance économique des retraités à la prise en charge de leur perte d’autonomie

C’est dans un contexte sociétal bien particulier (au secours je vieillis, qui peut m'aider ?) que se constitue en France, au début des années 1960, un système d’assistance et d’action sociale spécifiques à destination des personnes âgées.
 
Avant la généralisation en 1945 du droit à pension et la mise en place du régime de répartition pour les retraites, il était bien difficile de vieillir sans dépendre d’une façon ou d’une autre de ses descendants. Dépendance alimentaire dès lors qu’on n’était plus en mesure de travailler et qu’on ne possédait pas le capital nécessaire. Dépendante au quotidien pour tous ces gestes qui se compliquent avec le temps et que l’on finit par ne plus pouvoir faire seul.
 
En cela, l’assurance vieillesse a constitué une avancée majeure pour l’indépendance des vieillards. Et pourtant, 17 ans après la création de la Sécurité sociale et 6 ans après la mise en place du minimum vieillesse, aucun dispositif d’action publique n’avait encore été mis en place en vue de soutenir et d’accompagner spécifiquement la population âgée en France. Rien pour répondre aux besoins d’assistance au quotidien. Rien pour améliorer l’environnement et les conditions de vie. Ou en tout cas rien ne relevant directement de l’action publique. Il faudra finalement attendre 1962 et la parution du rapport Laroque de la Commission d’études des problèmes de la vieillesse pour qu’un tel système se mette en place.

Les années 1960 et 70 : le rapport Laroque et l’approche de la gérontologie sociale

Ce rapport est considéré comme l’acte fondateur des politiques vieillesse en France. Si aujourd’hui encore il fait référence, c’est qu’il est très moderne à la fois dans son approche de la vieillesse et dans ses propositions. Il développe la figure du “3ème âge actif, autonome et participant”, vis-à-vis duquel il faut développer des actions tournées vers l’inclusion et la prévention. Pour cela, il préconise l’adoption d’un mode de vie actif, avec des occupations et des loisirs, dans un environnement et un habitat adaptés afin justement de poursuivre une vie indépendante le plus longtemps possible.
 
Malgré certaines actions importantes visant à faciliter le maintien à domicile comme la création des services d’aide-ménagère financés par l’assurance vieillesse, cette approche de la gérontologie sociale centrée sur l’intégration des plus âgés dans la société va avoir du mal à se concrétiser, et la crise économique qui pointe le bout de son nez au milieu des années 70 sonnera finalement le glas de cette politique.

Les années 80 et 90 : l’approche par la “dépendance” et la structuration du secteur

A la fin des années 70, le climat économique s’assombrit fortement : chocs pétroliers, ralentissement de la croissance, explosion du chômage. C’est aussi à cette époque-là que s’amorcent les politiques de décentralisation, avec la loi Defferre du 2 mars 1982, qui confient aux départements la responsabilité de l’action sociale et de l’aide sociale à destination des personnes âgées. C’est dans ce contexte de décentralisation, de restriction budgétaire et de maîtrise des dépenses de protection sociale que se met en place une nouvelle ère des politiques vieillesse.

On passe ainsi d’une approche de la gérontologie sociale prônée par le rapport Laroque à une approche pathologique et médicale du vieillissement mettant l’accent sur les incapacités des personnes âgées. Les politiques vieillesse ne visent plus l’inclusion sociale, mais bien la prise en charge de la dépendance. Une prise en charge comptable : on mesure les incapacités, on détermine la quantité d’aide et on définit le coût associé.

Suivant cette logique, la méthode et classification de la grille AGGIR se déploient au cours de la décennie 90 pour devenir l’instrument national de mesure du niveau de dépendance d’une personne âgée à partir duquel on va déterminer les moyens de sa prise en charge.

Malgré ce changement d’approche, on continue à soutenir les dispositifs de maintien à domicile comme l’avait préconisé le rapport Laroque, mais cette fois en encourageant la diversification des modes d’intervention. On facilite l’emploi direct entre particuliers et on ouvre le secteur de l’aide à domicile aux entreprises à but lucratif.

Passer de la volonté politique à la structuration d’un système, il en faut du temps, surtout quand l’argent, le nerf de la guerre, fait défaut. Les années 90 auront été celles de cette lente structuration, pas toujours très équilibrée entre les territoires, mais qui aura vu aboutir la première prestation légale en nature destinée spécifiquement aux personnes âgées dépendantes, la Prestation spécifique dépendance (PSD). Un aboutissement de courte durée pour cette prestation qui sera revue et corrigée avec les grandes lois organisatrices des années 2000.

Véronique Cayado
Docteure en psychologie
Institut Oui Care

Au secours je vieillis ! Qui peut m’aider ?

Au secours je vieillis ! Qui peut m’aider ?
Si vous avez besoin de soins médicaux, l’assurance maladie assumera une grande partie des frais engagés et ce quels que soient votre âge, votre niveau de cotisation et les montants en jeu. Mais qu’en est-il si vous n’avez pas besoin à proprement parler de soins médicaux ou paramédicaux mais d’une aide pour compenser le fait que vous n’êtes plus tout à fait en mesure de réaliser seul et de manière autonome les actes du quotidien ? Faire vos courses, préparer le repas, vous déplacer, vous habiller, faire votre toilette, etc.
La réponse apparaît tout de suite beaucoup moins évidente, et pour cause, “l’aide à l’autonomie” ne relève pas du système de protection de la sécurité sociale. Ou plutôt “ne relevait pas” devrait-on dire puisqu’après des décennies de tergiversations, deux projets de lois ont été adoptés cet été - l’un organique, l’autre ordinaire - relatifs à la dette sociale et à l’autonomie, qui sont venus jeter les bases de la création d’une 5ème branche de la sécurité sociale pour l’autonomie des personnes âgées et handicapées.

Mais alors comment faisions-nous jusqu’à maintenant ?

La réalité est que l’aide aux personnes âgées dépendantes repose encore pour beaucoup sur la solidarité familiale. 48% des personnes âgées aidées à domicile le sont exclusivement par leur entourage personnel ; 34% bénéficieraient d’une aide dite “mixte”, c’est à dire provenant à la fois de leur entourage et de professionnels ; et seulement 19% d’entre elles bénéficieraient d’une aide exclusive de professionnels [1]
 
Cela peut surprendre, mais finalement cela fait peu de temps qu’il existe des politiques publiques spécifiques à la vieillesse. Imaginons seulement que la première allocation destinée à aider les personnes âgées dépendantes date de 1997 ! Alors que dès 1975 l’Allocation compensatrice de tierce personne (ACTP) était mise en place pour les adultes de moins de 60 ans en situation de handicap ayant besoin d’aide pour accomplir les actes de la vie quotidienne. Soit 22 ans d’écart… La Prestation spécifique dépendance (PSD), comme elle se nomme alors, ne rencontre par ailleurs pas un grand succès en raison d’une clause de recours sur succession qui freine les bénéficiaires potentiels.

La famille : un lieu naturel de solidarité entre les générations ?

“Naturel” peut-être pas mais un lieu privilégié, certainement. Il faut savoir que la conception de la famille, que ce soit dans sa forme ou dans son rôle, relève d’une élaboration culturelle. D’une certaine manière, chaque société construit un ou plusieurs modèles de famille qui convient à sa structuration économique et politique, en lien avec un ensemble de croyances et de normes sociales et morales, qui à la fois façonnent et justifient le modèle familial dominant. La famille est donc le produit d’une culture, qui exprime elle-même un certain rapport de pouvoir dans la société, et en même temps, elle constitue une sorte d’entité extérieure qui va agir sur les individus en leur attribuant une place et un rôle.
 
Si aujourd'hui les liens d'attachement expliquent pour beaucoup l'aide apportée à son parent âgé, ce n'est certainement pas la raison première d'un point de vue historique. Pas plus que ne l'est également la norme morale d’assistance à ses ascendants du fait d'une dette supposée contractée par les enfants à l’égard de leurs parents pendant la prime jeunesse. D'ailleurs si cette norme était assez puissante, il n'aurait pas été nécessaire de créer un arsenal législatif pour garantir l'obligation de subsistance. Non, les raisons sont plus diverses et multiples, et peut-être aussi plus pragmatiques.
 
Pendant longtemps, la famille a constitué un lieu de production où cohabitaient plusieurs générations liées entre elles par des règles de transmission du patrimoine.
Pendant longtemps, le statut de la femme placée sous la tutelle du père puis du mari en faisait une main d’œuvre disponible et disposée à ce type d’activités.
Pendant longtemps, il n’existait tout simplement pas d’alternatives à la famille, outre les réseaux traditionnels d’assistance à la pauvreté.

Et puis, sous l’impulsion de tout un faisceau de changements, technologiques et économiques d’abord avec la révolution industrielle, le développement du salariat, l’exode rural, puis l’arrivée des femmes sur le marché du travail, toutes ces évolutions sociétales ont profondément transformé la structure familiale au cours du XXème siècle. La société dans son ensemble s’est réorganisée dans ses modes de gouvernance. On assiste au développement de l'État providence et au déploiement des politiques sociales qui prennent peu à peu le relai des solidarités traditionnelles sans jamais pour autant les remplacer totalement.
 
Voici présenté de manière un peu sommaire le contexte sociétal qui a vu émerger au début des années 1960 un système d’assistance et d’action sociale spécifiques à destination des personnes âgées.


Véronique Cayado
Docteure en psychologie
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