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La vieillesse “n’est qu’un mot”

Qu’est-ce qui fait de nous une vieille personne ? Étrange question que celle-ci, non pas parce que la réponse est évidente, mais parce qu’on la croit évidente. Mais dès lors que l’on essaie d’y répondre, l’explication semble se défiler aussi insaisissable que l’eau entre nos doigts.
L’âge apparaît a priori comme la réponse la plus juste.
Une personne âgée est une « personne plus âgée que la moyenne des autres personnes de la population dans laquelle elle vit » (Dictionnaire des personnes âgées, de la retraite et du vieillissement, 1984) [1]. Quand la statistique vient au secours du sens pour porter avec toute son objectivité la signification d’un mot, le moins que l’on puisse dire c’est que le mot pose problème !! Mais au final, sommes-nous plus avancés ?
L'objectivité n’est qu’apparence car, non seulement la formule reste imprécise, mais l’âge n’est finalement qu’un critère social comme un autre. Ainsi, le fait même de compter en années la trajectoire humaine est une manière de penser, non pas universelle, mais propre à une culture considérée. Comme le souligne l’anthropologue Bernadette Puijalon, “nos ancêtres ignoraient le nombre de leurs années et le découpage de la vie se faisait en fonction des événements et des changements qui jalonnaient le cours de l’existence” [2].
Il faut savoir que l’âge n’est devenu un instrument de mesure de l’évolution biologique que tardivement dans l’histoire des sociétés occidentales. En France, cela remonterait à l’obligation faite au clergé, par l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539), d’enregistrer les baptêmes, mariages et décès [3]. Ainsi, parce que la société s’était dotée d’un calendrier spécifique et que les pouvoirs en place avaient décidé de tracer dans les grandes lignes leur population, il était devenu possible d’évaluer la durée de vie des individus en années. Mais avant cela, comme dans d’autres régions dans le monde, on ne cherchait pas à mesurer précisément la durée de vie, notamment parce que cela n’avait pas d’intérêt au regard du fonctionnement social.
Chaque culture, chaque société développe sa propre compréhension et interprétation de l’avancée en âge en cohérence avec son organisation socio-économique, sa démographie, ses modèles culturels, etc.
Mais alors qu’est-ce qui fait de nous une vieille personne ? Existe-t-il quand même des traits saillants ?
Selon Georges Minois [4], il existerait des marqueurs communs de la vieillesse qui se retrouvent dans la plupart des cultures et des époques considérées : il s’agit de
- la fragilité physique,
- de l’altération des traits,
- et de l’accumulation des savoirs liés à l’expérience.
Un autre paramètre semble majeur dans la définition de la vieillesse et des âges de la vie : il s’agit de la présence d'événements dans la trajectoire qui entraînent un changement de rôle social. On devient alors “officiellement” vieux aux yeux des autres. On pensera bien sûr au passage à la retraite comme le marqueur social par excellence dans notre société. On est loin du rite initiatique vécu avec tout le collectif, mais il en est ainsi dans les sociétés plus individualistes. Il n’y a pas à proprement parler un événement transitionnel, mais plutôt des petits événements souvent indépendants les uns des autres. Quoi qu’il en soit, et c’est certainement cela le plus important, être une vieille personne se vit pour beaucoup dans le regard des autres.
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Véronique Cayado, Docteure en Psychologie, Membre de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie (SFGG), Membre et Ingénieure de recherche de l’Institut "Oui Care", |
[1] Ce dictionnaire a été publié par la commission de terminologie mise en place en 1983 par le premier Secrétariat d’Etat en charge des personnes âgées : In Trincaz, J., Puijalon, B. & Humbert, C. (2011). “Dire la vieillesse et les vieux”. Gérontologie et société, 138(34) : 113-126.
[3] Peatrik, A.-M. (2003). L’océan des âges. L’Homme Revue française d’anthropologie.
[4] Minois, G. (1987). Histoire de la vieillesse. Librairie Arthème Fayard.
Etude des Notaires de France : Les Français et la protection
- Écrit par Ludovic Herschlikovitz

A l’occasion de leur 116e Congrès (8 – 10 octobre 2020), les Notaires de France dévoilent ce jour les résultats d’une étude inédite sur les Français et la protection réalisée par Harris Interactive du 21 au 27 septembre 2020 auprès d’un échantillon national représentatif de 1592 personnes.
Une Etude pour évaluer l'intrêt de protéger ses proches
Cette étude menée par Harris Interactive pour le compte des Notaires de France met en avant de nombreuses tendances sur le besoin des Français de protéger leur proches et eux même dans un environnement juridique par toujours évident à comprendre. L'accompagnement d'un Notaire pour conforter sa protection et celle de ses proches apparait alors comme un pré-requis necessaire.
Principaux points de l'étude sur un fort besoin de protection exprimé par les français que ce soit pour eux-mêmes ou leurs proches :
- Une loi qui ne protège pas assez selon les Français malgré un besoin de protection qui s’est accru avec la Covid-19
- Une majorité des Français bien informés des singularités du PACS en matière de protection mais qui méconnaissent le dispositif « mandat de protection future »
- Pour les Français, les Notaires bénéficient d’un « capital confiance » élevé en matière de protection
- Un fort besoin de protection exprimé par les Français pour eux-mêmes ou leurs proches
Ce besoin de protection est plus important s’agissant du premier cercle familial (les enfants : 83%, le conjoint : 76%). Il concerne également une majorité de Français pour la protection des petits enfants (71% des concernés) et de leurs parents (62% des concernés).
A 53%, le besoin de protéger d’autres membres de la famille potentiellement vulnérables reste à un niveau élevé même s’il est moins répandu. Les Français en position « d’aidants » se montrent particulièrement sensibles à la question de la protection de leurs proches, notamment de leurs parents (75 % ressentent le besoin de les protéger).
De la même manière, les ¾ des Français manifestent globalement un fort besoin de protection de leur patrimoine (74%), de leur logement (78%) et de leur retraite (75%).
Le besoin de protéger sa retraite est particulièrement élevé au sein des 35-49 ans (82%), une frange de la population qui s’inquiète sans doute plus que les autres de la pérennité du régime actuel/ et/ou de la réforme en cours. Enfin, 78% des personnes interrogées peuvent vouloir , le cas échéant, protéger leur entreprise/activité professionnelle.
Une loi qui ne protège pas assez selon les Français, un besoin de protection accru avec la Covid-19
La majorité des Français est bien informée des singularités du PACS en matière de protection.
Les Notaires bénéficient d’un « capital confiance » élevé en matière de protection
Le niveau de confiance à l’endroit des notaires est plus élevé auprès des publics les plus âgés et des plus hauts revenus, des propriétaires et de ceux disposant d’un patrimoine. C’est moins le cas parmi les plus jeunes qui leur préfèrent les avocats.
Atteindre la vieillesse, l'ultime consécration pour les Meru
- Écrit par Ludovic Herschlikovitz

En France, comme dans beaucoup de sociétés occidentales, nous avons tendance à nous représenter le cycle de la vie sous la forme d’une courbe ascendante puis descendante. Après une phase de développement et de maturation continue jusqu’au matin de la vie où l’individu est alors en pleine possession de ses capacités et ses aptitudes, commence une phase régressive qui se poursuit jusqu’à la mort. Dans le cycle de la vie, la vieillesse constitue donc le point culminant du déclin des capacités et de l’être dans toutes ses dimensions.
L’image de l’escalier ascensionnel
Dans la société Meru, l’existence humaine suit une trajectoire ascensionnelle, ou plus exactement un escalier ascensionnel avec ses paliers correspondant aux différents rôles sociaux tenus par l’individu au cours de sa vie. Dès lors, vieillir procède d’une trajectoire de bonification continue et graduée, mais une trajectoire qui n’est pas donnée à tout le monde. En effet, le vieillissement chez les Meru est associé à une idée d'excellence et de réussite. Autrement dit, l’âge ne relève pas d’une accumulation d’années qui se ferait indépendamment de nous. Il représente, au contraire, un échelon de la vie que l’on atteint parce que l’on a surmonté et réussi le parcours de vie précédent. Devenir vieux constitue donc un aboutissement !
Est-ce à dire que le vieillissement n’a pas de prise sur les corps vieillissants des Meru ?
Non, les changements physiques et physiologiques font partie des constantes du processus de vieillissement. Alors certes, ce processus ne va pas s’exprimer de la même manière, avec la même intensité, selon les individus, mais aussi selon le type d’environnement dans lequel ils évoluent. Néanmoins, personne n’y échappe complètement. Ce qui est différent chez les Meru, c’est que cette évolution du corps avec l’âge n’est pas ce qui compte le plus. L’individu poursuit son développement tout au long de sa vie et ce n’est qu’aux âges les plus avancés qu’il acquière la compétence la plus aboutie et la plus valorisée socialement, celle de la parole et de l’esprit qui lui permet de tenir un rôle social extrêmement important notamment dans l’initiation des autres membres.
L’apogée du développement humain commence à 65 ans !
Après avoir rempli et occupé les différents rôles qu’un homme ou une femme doit accomplir au cours de sa vie, après avoir réussi toutes les initiations, l’individu accède aux alentours de 65 ans à l’échelon social le plus important en devenant un “Accompli”.
Accompli parce qu’il a réussi à passer toutes les épreuves de la vie, à surmonter les difficultés de l’existence, à échapper à la maladie ou aux malédictions… C’est cette réussite “existentielle” qui lui octroie le droit d’exercer les plus hautes fonctions. Mais aussi parce que ce parcours réussi lui permet d’être au plus près de ce qui représente chez les Meru une sorte d’entité créatrice (Ngaï ou Murungu). Cette proximité avec l’au-delà lui confère alors la puissance de la parole et de l’esprit, des capacités grâce auxquelles il accède à la responsabilité des affaires religieuses et des rites de passage.
Trop vieux pour jouer un rôle
Mourir Accompli au plus près du Ngaï constitue la mort idéale, celle qui survient au bon moment. Elle est ainsi dignement fêtée par tout le groupe social. Mais si mourir vieux est un honneur, mourir trop vieux ne l’est plus vraiment. Car il existe aussi chez les Meru une autre classe générationnelle appelée “sntindiri” ou “ceux qui attendent à ne rien faire”. Ceux-là ne sont pas morts au bon moment ! Ils s’attardent dans l’existence alors que plus aucun rôle social ne leur est dédié. Ce sont des “grands vieillards” qui n’ont plus la force de subvenir à leurs besoins ou de se déplacer, ni même les dents pour s’alimenter.
Atteindre cette catégorie d’âge n’est point un honneur. Leur mort trop tardive ne fait d’ailleurs l’objet d’aucune célébration par le groupe.
Un traitement différencié du "très grand âge"
Ce point est très intéressant car finalement, même dans une société où la vieillesse apparaît comme l’ultime maturation du développement humain, le “très grand âge” pose question au collectif. Il faut dire que la société Meru repose sur une organisation sociale très spécifique en « classes générationnelles » qui évoluent de manière synchronisée entre elles. Ainsi, par exemple, père et fils ne feront jamais partie de la même classe et ne partageront jamais le même statut et le même rôle social. Ce type d’organisation a le mérite de réguler les rapports de force pouvant exister entre les générations dans la passation des fonctions sociales et la transmission du pouvoir. Mais elle implique aussi une régularisation des âges qui passe notamment par un contrôle des naissances. Or les “sntindiri” échappent finalement à cette régularisation sociale en dépassant les limites de l'existence pour le groupe. Dans ces itinéraires de vie extrêmement codifiés, rien n'est prévu pour ces grands vieillards. Ce sont des "survieux" sans fonctions particulières mais dont le groupe va néanmoins s'occuper.
La mise en miroir avec nos propres questionnements autour du "très grand âge" est frappante. Bien que nos cultures diffèrent dans la manière d’interpréter l’avancée en âge, le traitement de l’allongement de la vie soulève néanmoins des interrogations similaires dans les deux sociétés.
Pour aller plus loin :
Peatrik, A.-M. (2001). « Vieillir ailleurs et ici : l’exemple des Meru du Kenya ». Retraite et société 34(3) : 151-165. https://www.cairn.info/revue-retraite-et-societe1-2001-3-page-151.htm
Peatrik, A.-M. (1990). Génération Meru : modes d’emploi une enquête sur les implications écologiques d’un système générationnel Bantou (Meru Tigania-Igembe, Kenya). Thèse de Doctorat en ethnologie. Université de Paris X Nanterre.
Oh vieillir, quelle injustice !

Le vieillissement, un processus inégalitaire
L’image que l’on a de soi ne suit généralement pas le nombre de ses années. On a tendance à se sentir plus jeune que son âge biologique. On peut être une vieille personne aux yeux de certains et pas pour soi. Comme on peut être une vieille personne aux yeux de certains et pas pour d’autres.
Plusieurs grilles de lecture
Être vieux, au croisement du biologique, du psychologique et du social
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Véronique Cayado, Docteure en Psychologie, Membre de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie (SFGG), Membre et Ingénieure de recherche de l’Institut "Oui Care", |
[1] Mauger, G. (2001). “La jeunesse n’est qu’un mot”. A propos d’un entretien avec Pierre Bourdieu. Agora Débats jeunesses, 26, 137-142.
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Sommes-nous enfin prêts à vieillir ensemble très longtemps ?
- Écrit par Ludovic Herschlikovitz

Alors qu'on n'en finit pas de procrastiner autour des réformes qui permettraient d’anticiper la vertigineuse accélération du vieillissement de la population qui se profile, les années 2000 marquent la consolidation d’un système complexe d’aide et prise en charge des personnes âgées en France. C’est à cette époque-là, en effet, que sont votées les principales lois qui vont organiser ce système.
Les années 2000 : les lois majeures et la question éthique
Les années 2010- 2020 : une société de la longévité en suspens
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[1] Il s’agit de la loi du 2 janvier 2002, dite la loi 2002-2 qui rénove la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales ; et de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.